Imposer aux entreprises de plus de 1 000 salariés en France une transparence sur les écarts de salaire entre les plus basses et les plus fortes rémunérations : c’est l’objet d’un amendement déposé sur le projet de loi Pacte, un amendement qui a reçu le soutien du ministère de l’Economie. En revanche, un autre amendement visant à supprimer l’obligation de mettre des locaux à disposition des syndicats pour les entreprises de moins de 1 000 salariés a été retiré.

Le projet de loi pour la croissance et la transformation des entreprises (dit « Pacte ») fait l’objet d’un examen par une commission spéciale de l’Assemblée nationale jusqu’au 15 septembre. Il sera ensuite discuté en séance publique à partir de fin septembre.

Parmi les amendements parlementaires au projet de loi établi par le gouvernement figure un texte modifiant l’article 62, et soutenu par une quarantaine de députés LREM dont Mathieu Orphelin, un proche de Nicolas Hulot. Il vise à instaurer une transparence sur les écarts de salaire internes dans une entreprise. La mesure concernerait les entreprises de plus de 5 000 salariés dans le monde et 1 000 salariés en France. Elle obligerait ces entreprises à publier dans leur rapport annuel, dit l’exposé des motifs de l’amendement, « un ratio mesurant l’écart entre la rémunération la plus haute et la rémunération médiane », les entreprises devant également « justifier des écarts de salaire d’année en année ».

L’auto-régulation des entreprises jugée insuffisante

L’exposé des motifs souligne qu’il s’agit de respecter une des promesses du candidat Emmanuel Macron, ce qui explique peut-être pourquoi le ministre de l’Economie lui-même s’est dit favorable à ce texte. En effet, le programme d’En Marche pendant la campagne présidentielle (voir l’objectif 4 de ce programme) comportait l’engagement suivant : « Nous responsabiliserons le conseil d’administration en cas de vote défavorable des actionnaires sur la rémunération des dirigeants et ferons publier par les grandes entreprises un ratio d’équité mesurant l’écart de rémunération entre le dirigeant et les salariés« .

Les auteurs de l’amendement ajoutent d’une part qu’une telle mesure a déjà été introduite aux Etats-Unis pour les sociétés côtées et que, d’autre part, le « say on pay » rendant obligatoire en France le vote des actionnaires sur la rémunération des dirigeants ne va pas assez loin. Ils estiment par ailleurs que l’auto-régulation en France, avec les engagements de transparence des grandes entreprises via le code AFEP (association française des entreprises françaises), n’est pas suffisante car elle n’a aucun caractère obligatoire.

Le contenu précis de l’amendement

Plus précisément, l’amendement, qui renvoie à un décret les conditions d’application de cette mesure, imposerait à ces sociétés de publier chaque année dans leur rapport de gestion les éléments suivants :

  • la rémunération du premier quartile;
  • la rémunération médiane;
  • la rémunération du troisième quartile;
  • la rémunération moyenne;
  • le ratio entre la rémunération la plus haute et la rémunération médiane (cet élément devant aussi faire l’objet d’une note d’information sur l’évolution de ce ratio);
  • le ratio entre la rémunération la plus haute et la rémunération la plus basse.

Pour comprendre ces notions, il faut se référer à la définition qu’en donne l’Insee :

  • le premier quartile est le salaire au-dessous duquel se situent 25% des salaires;
  • le deuxième quartile est le salaire au-dessous duquel se situent 50% des salaires, c’est aussi ce qu’on appelle la médiane;
  • le troisième quartile est le salaire au-dessous duquel se situent 75%;
  • la médiane est la valeur qui partage une distribution de salaires en deux parties égales. Elle est donc le salaire au-dessous duquel se situent 50% des salaires et le salaire au-dessus duquel se situent 50% des salariés. L’Insee juge que la médiane est un indicateur plus faible que la moyenne, car il est moins affecté par les valeurs très élevées.

Cette mesure vise donc à instaurer une certaine publicité aux écarts de salaire internes à une entreprise et à leur évolution afin que cette information publique pousse les sociétés à se montrer raisonnables dans l’évolution de l’échelle des salaires.

Les indicateurs donnés aux élus du personnel

Rappelons que les élus du personnel disposent déjà de certaines informations sur les salaires de l’entreprise. En effet, dans les entreprises d’au moins 300 salariés doivent figurer dans la la base de données économiques et sociales (BDES) des éléments comme :

  • la rémunération moyenne ou médiane mensuelle par tranche d’âge;
  • le nombre de femmes dans les dix plus hautes rémunérations;
  • l’évolution des rémunérations salariales;
  • le montant global des dix rémunérations les plus élevées;
  • le rapport entre la moyenne des rémunérations des 10% des salariés touchant les rémunérations les plus élevées et celle correspondant au 10% des salariés touchant les rémunérations les moins élevées, les entreprises pouvant toutefois préférer à cet indicateur « le rapport entre la moyenne des rémunérations des cadres ou assimilés (y compris supérieurs ou dirigeants) et la moyenne des rémunérations des ouvriers non qualifiés ou assimilés (lire notre article sur la BDES à partir de 300 salariés).

Précisons que les informations exigées des entreprises de moins de 300 salariés sont moins nombreuses, l’évolution de la structure et du montants des salaires ayant par exemple disparu de la dernière réécriture du décret sur la BDES (lire notre article sur la BDES sous le seuil de 300 salariés).

Local syndical : surenchère à la baisse ?

L’amendement a été retiré en commission mais la députée LREM Cendra Motin, qui en est l’auteur, pourrait, selon le journal Capital, le redéposer dans l’hémicycle fin septembre : ce texte vise à permettre à toute entreprise de moins de 1 000 salariés qui met à la disposition des syndicats un espace en ligne sur l’intranet de la société de ne plus avoir l’obligation de mettre à dispositions des syndicats des locaux. « Dans les entreprises de moins de mille salariés, si l’accord d’entreprise le prévoit et dans des conditions fixées par ce même accord, la mise à disposition des sections syndicales d’un espace numérique situé sur l’intranet de l’entreprise, dédié à l’expression de chaque syndicat et convenant à l’exercice de la mission de leurs délégués, satisfait à l’obligation de l’article L.2142-8« , est-il dit dans PDF iconcet amendement. A suivre donc. On sait que le projet de loi Pacte entend déjà relever de 200 à 250 salariés le seuil d’effectif à partir duquel une entreprise doit mettre en place un local syndical. Cette mesure concernerait, selon l’étude de l’impact du projet, environ 1 600 entreprises.

Source – Actuel CE