Un guide pratique et juridique sur le harcèlement sexuel et les agissements sexistes au travail a été publié le 8 mars 2019 par la DGT, à l’occasion de la journée internationale de la femme.

Yves Struillou, directeur général du travail, affirme que l’idée de ce guide est d’assurer « une bonne compréhension de ce que sont ces comportements illicites » et de rappeler clairement et précisément le « rôle de l’employeur » et les « garanties apportées aux salariés ».  

Ayant une visée pédagogique, ce guide a pour but de lutter contre les violences sexistes et sexuelles au travail en clarifiant « les droits et obligations de chacun sur la question spécifique du harcèlement sexuel en entreprise ».

Il tente d’apporter des « solutions concrètes » aux questions complexes que soulèvent le harcèlement sexuel au travail.

1)  Les agissements sexistes : c’est quoi ?

Il s’agit de ne pas confondre le harcèlement sexuel et des agissements sexistes.

L’article L.1142-2-1 du Code du travail défini les agissements sexistes comme tout agissement lié au sexe d’une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant.

L’introduction de cette notion dans le Code du travail a pour but de combattre le sexisme ordinaire, auquel les salariés peuvent être confronté.

Selon le Conseil supérieur à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, il existe différentes manifestations du sexisme ordinaire dans le monde du travail.

Par exemple, les remarques et blagues sexistes, la police des codes sociaux du sexe, les interpellations familières, la fausse séduction ou encore le sexisme bienveillant.

2) Le harcèlement sexuel : c’est quoi ?

Dans un premier temps, le guide explique de quelle manière identifier le harcèlement sexuel, qualifié de « notion multiple et complexe ».

Une distinction est faite entre deux types de harcèlement :

  • La pression grave dans le but d’obtenir un acte de nature sexuel (appelé « harcèlement sexuel assimilé »), qui nécessite la réalisation de propos ou comportements répétés ;
  • Les propos ou comportements à connotation sexuelle et dans ce cas, un fait unique suffit à caractériser le harcèlement).

Dans un second temps, le harcèlement sexuel est distingué d’autres notions (la séduction, l’agissement sexiste) et d’autres infractions (l’agression sexuelle et le harcèlement moral).

Enfin, la DGT rappelle que le harcèlement moral est un délit pénal.

3) Victime, témoin de harcèlement sexuel : que faire ?

Le manuel explique comment reconnaître un harcèlement sexuel : des symptômes de stressabsentéisme et mauvaise ambiance.

Également, il décrit les stratégies d’un harceleur, par exemple : assurer sa domination, manipuler et déstabiliser sa victime.

La DGT affirme que « le harcèlement sexuel n’est jamais acceptable », « ne pas en parler n’est jamais la solution ».

C’est pour cela qu’il est essentiel de signaler des faits de harcèlement sexuel et d’agissements sexistes.

Dans les cas où l’entreprise n’a pas établi de procédure dédiée spécifique, les victimes et les témoins de tels faits peuvent alerter plusieurs personnes : leur supérieur hiérarchique, direct ou non, un membre du service RH, le référent harcèlement sexuell’employeur en tant que tel, ou un membre de la délégation du personnel du CSE.

Lorsque l’employeur lui-même est le harceleur, il est recommandé par la DGT de s’orienter directement vers un élu du personnel ou l’inspection du travail.

L’auteur est libre quant à la forme du signalement, cependant, il est invité à fournir le plus d’éléments possibles :

  • Le récit chronologique et détaillé des faits ;

  • Les éléments susceptibles de constituer des preuves (textos, mails, etc.) ;

  • Les certificats médicaux s’il y en a ;

  • Des témoignages écrits ;

  • La copie de plaintes ou de mains courantes, le cas échéant.

Lorsque la procédure interne est en cours, l’auteur du signalement peut se faire accompagner par le médecin du travail, l’inspection du travail, le Défenseur des droits ou encore par des associations spécialisées.

4) Quel est le rôle de l’employeur dans la prévention et l’anéantissement du harcèlement sexuel au travail ?

L’employeur a l’obligation d’agir contre le harcèlement sexuel.

Il est en effet de la responsabilité de l’employeur « de prévenir les faits de harcèlement sexuel, d’y mettre un terme et de les sanctionner ».

Au titre de son obligation générale en matière de santé et sécurité, l’employeur est titulaire d’une obligation de prévention et d’action en matière de lutte contre le harcèlement sexuel.

La DGT souligne que « mettre fin au harcèlement sexuel d’un salarié » ne suffit pas à dégager l’employeur de sa responsabilité, s’il n’a pas agi préalablement, « au travers d’une politique de prévention ».

4.1) L’obligation de l’employeur de prévenir les faits de harcèlement sexuel

4.1.1) Les obligations spécifiques en matière de prévention

Parmi ses obligations spécifiques, l’employeur est par exemple tenu d’informer l’ensemble du personnel de l’entreprise sur la thématique du harcèlement sexuel.

Également, depuis la loi du 5 septembre 2018 (nº 2018771), l’employeur d’une entreprise de plus de 250 salariés a l’obligation de désigner un référent en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes.

Le guide liste les missions possibles du référent :

  • Réaliser des actions de sensibilisation et de formation des salariés comme du personnel encadrant ;

  • Orienter les salariés vers les autorités compétentes ;

  • Mettre en ½uvre des procédures internes afin de favoriser le signalement et le traitement des faits de harcèlement sexuel et d’agissements sexistes ;

  • Réaliser une enquête suite à un signalement.

4.1.2) L’obligation générale en matière de santé et sécurité

Respecter les obligations spécifiques n’est pas suffisant pour écarter la responsabilité de l’employeur, il existe également une obligation de prévention au titre de l’obligation générale en matière de santé et sécurité.

Effectivement, l’employeur doit « prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs » (article L. 4121-1 du code du travail).

  • Evaluer le risque

Il est important d’évaluer le risque de harcèlement sexuel et d’agissement sexistedans une entreprise, l’évaluation des risques étant l’un des principes généraux de prévention.

Le manuel souligne que ces risques doivent être pris en compte dans l’élaboration du DUER, le document unique d’évaluation des risques (articles R. 4121-1 et suivants du code du travail).

Également, la DGT liste des indicateurs permettant d’évaluer ces risques, par exemple :

  1. Existe-t-il un précédent nécessitant une vigilance accrue ?

  2. Existe-t-il des situations de travailleurs isolés et/ou en situation de vulnérabilité ?

  3. Quel est la composition des équipes ?

  4. Les salariés peuvent-ils facilement faire remonter des difficultés relationnelles dans l’entreprise ?

Pour que l’évaluation des risques de harcèlement sexuel et d’agissements sexistes soit « pertinente », il est important qu’elle soit nourrie par des points de vue croisés (représentants du personnel, médecins du travail, psychologues du travail, etc. doivent être associés à cette démarche) et des éléments de contexte.

  • Prévenir :

Le manuel conseille aux employeurs de mettre en place une prévention du harcèlement sexuel et des agissements sexistes.

Il est possible pour cela de :  

  • Négocier :

Selon la DGT, la négociation obligatoire sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes peut contenir une telle prévention.

4.1.2.1) Former les membres du Comité social et économique et le personnel encadrant :  

Le manuel préconise de former le personnel encadrant, qui constitue un pivot pour relayer la politique de prévention et de déceler le harcèlement sexuel et les agissements sexistes.

En effet, un niveau de connaissance souvent insuffisant des managers à cette problématique est dénoncé par la DGT.

Est ainsi conseillé une formation régulière, abordant notamment les conséquences sur la santé des salariés et l’environnement de travail, le cadre légal et réglementaire ou encore l’orientation et l’accompagnement et des victimes.

4.1.2.2) Sensibiliser les salariés :

Pour lutter efficacement contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes, la DGT préconise que les salariés réussissent à identifier les situations qui les caractérisent.

Des exemples des formes que peut prendre cette sensibilisation (mails, affichage, notes de services, etc.) et de ce que peuvent aborder ces actions de sensibilisation(modalités de signalement, identification et détection des situations, régime juridique de protection à l’égard des témoins, etc.) sont donnés par le guide.

4.2) L’obligation de mettre un terme aux faits de harcèlement sexuel et les sanctionner

Il est expliqué aux employeurs comment réagir en cas de harcèlement sexuel.

Ayant une obligation en matière de santé et de sécurité, l’employeur doit traiter efficacement et rapidement tout signalement de harcèlement sexuel.

Pour éviter le contentieux, le respect d’un certain formalisme est préconisé par le guide.

Le manuel propose une « procédure type », qu’il est possible de déployer à la suite d’un signalement, s’adaptant aux spécificités de chaque organisation,.

  • Accompagner et faciliter le signalement

La DGT explique de quelle manière accompagner et faciliter le signalement de harcèlement sexuel.

Elle conseille de mettre en place des mesures favorisant la remontée d’information, qui s’ajoutent à l’obligation de communiquer aux salariés, stagiaire et candidats les coordonnées des référents RH et CSE (par exemple, par l’intermédiaire d’une permanence au sein du service RH ou des représentants du personnel ou d’une boîte mail dédiée).

  • Réceptionner un signalement 

Le guide indique, étape par étape, comment réceptionner un signalement.

Il s’agit d’accuser réception du signalement auprès de son auteur, de procéder à un premier échange avec lui et enfin de procéder à une première analyse des faits qui ont été signalés.

Lors de cette première analyse, si le harcèlement sexuel n’est pas exclu, il est conseillé de réaliser une enquête interne.

La DGT souligne qu’il est important que la victime présumée ait été informée de l’enquête interne, notamment si elle n’est pas à l’origine du signalement, car elle peut « être réticente au lancement d’une enquête par crainte des conséquences sur sa vie professionnelle et personnelle ».

  • Diligenter une enquête

Lorsque la piste de harcèlement sexuel n’est pas écartée, la DGT préconise à l’employeur de diligenter une enquête, qu’elle soit obligatoire ou non.

Il est important que l’enquête se déroule discrètement et impartialement.

Lors de cette enquête, plusieurs personnes doivent être entendues : la victime présumée, la personne à l’origine du signalement, la personne mise en cause, les témoins, les responsables hiérarchiques directs de la victime présumée et de la personne mise en cause et enfin toute personne demandant à être auditionnée ou dont l’audition est souhaitée par la victime présumée ou la personne mise en cause.

Ensuite, la DGT donne des conseils quant à la tenue des entretiens : éviter les ambiances intimidantes, veiller à rédiger un compte-rendu détaillé et daté ou encore alerter notamment la DGT.

Il est recommandé que les conditions de travails soient adaptées au cours de l’enquête afin de limiter les contacts entre les personnes impliquées.

  • Les suites de l’enquête

Lorsque l’enquête est terminée et que le harcèlement sexuel est avéré, il est important que la victime retrouve « des conditions normales de travail ».

Ainsi, l’employeur doit « être particulièrement vigilant aux représailles dont la victime peut être l’objet de la part de collègues « solidaires » du harceleur ».

Dans le cas contraire, si le harcèlement n’est pas reconnu, il est important d’éviter d’instaurer un climat de suspicion et d’accompagner la poursuite des relations de travail.

Par exemple, il est conseillé de mettre en place des échanges collectifs et individuels.

 

Source :

Guide pratique et juridique – Harcèlement sexuel et agissements sexistes au travail : prévenir, agir, sanctionner

Maitre Frédéric CHHUM

Avocat et Membre du Conseil de l’Ordre

 

Source – JuriTravail