Rarement des jugements de conseils de prud’hommes n’auront suscité autant de réactions. Sans même attendre que des cours d’appels se prononcent, les défenseurs du barème d’indemnités de licenciement injustifié s’organisent pour faire valoir leurs arguments.
Comme actuel-RH l’a révélé, le ministère de la justice a demandé aux présidents des cours d’appel et de TGI de les informer des jugements dont ils auraient connaissance portant sur le barème ainsi que des appels dont ils ont été informés et ce, afin que les procureurs de la République puissent intervenir dans ces affaires afin de rappeler la position du gouvernement sur cette disposition législative.
L’offensive s’organise aussi côté patronal. Dans deux notes rédigées par le Medef et la CPME – que nous nous sommes procuré – adressées aux conseillers prud’homaux patronaux, le patronat défend la légalité du barème en démontant point par point la position des juges prud’homaux ayant écarté l’application du barème l’estimant contraires à des normes internationales, la convention 158 de l’OIT et l’article 24 de la Charte sociale européenne.
Les opposants au barème déplorent le fait que ce dernier ne permet pas au salarié d’obtenir une réparation intégrale du préjudice qu’il a subi. Dans son document, le Medef balaie cette critique. Selon l’organisation patronale, le barème « ne vise pas à priver le salarié d’une juste indemnité, mais d’encadrer le montant pouvant en résulter » en harmonisant les pratiques judiciaires, instaurant ainsi une « plus grande sécurité juridique ».
Le Medef avance plusieurs arguments. Le barème tient compte de l’ancienneté. Les planchers et plafonds prévus préserveraient l’office du juge qui – à l’intérieur de ces fourchettes – peut moduler l’indemnisation en tenant compte notamment de l’âge du salarié, de ses perspectives de reconversion professionnelle, de sa situation économique ou familiale.
Enfin, le Medef rappelle que le barème ne s’applique pas à tous les licenciement injustifiés, le barème étant expressément écarté dans certains cas : discriminations, harcèlement, violation de libertés fondamentales…
S’agissant de l’argument selon lequel le barème ne constituerait pas une sanction suffisamment dissuasive, là encore, le Medef réplique. D’une part, le juge conserve toujours la possibilité de condamner l’employeur au remboursement des allocations chômage dans la limite de six mois, insiste l’organisation patronale. D’autre part, le plafonnement s’est accompagné d’un relèvement du montant de l’indemnité légale de licenciement.
La CPME de son côté estime non fondée la comparaison avec le plafonnement finlandais qui a été censuré par le Comité européen des droits sociaux car le barème français prévoit des garanties que ne prévoit pas le barème finlandais : en Finlande, le plafonnement s’applique dans toutes les hypothèses, quel que soit le motif de licenciement et aucun droit à réintégration n’est prévu. La CPME estime ainsi que le plafonnement n’est pas contraire en soi à la Charte des droits sociaux mais le deviendrait s’il ne permettait pas une réparation du préjudice subi par le salarié ou s’il n’était pas suffisamment dissuasif, ce qui n’est pas le cas selon la confédération des PME.
Enfin, le Medef conteste la possibilité de demander la réparation d’autres préjudices et décline toute une palette de demandes que le juge devrait refuser d’indemniser.
Indemnisation du dommage moral constitué par le fait même d’avoir été licencié ? « Le licenciement étant lui-même un droit, son exercice ne saurait être en soi une faute », rétorque le Medef.
Indemnisation pour rupture abusive du contrat de travail ? Le Medef invoque là la règle « non bis in idem », selon laquelle une même faute ne peut pas être sanctionnée deux fois.
Indemnisation sur le fondement du droit commun de la responsabilité civile ? C’est à la condition que le salarié démontre l’abus de droit de l’employeur sous la forme d’une faute distincte de celle du licenciement injustifié.
Côté organisations patronales, on craint en effet que l’indemnisation de préjudices périphériques alourdisse le coût alors même que le plafonnement vise à leur donner une certaine sécurité juridique.
Source – Actuel Expert-Comptable