Plusieurs arrêts rendus ces derniers mois mettent en évidence l’important contentieux dont font l’objet les heures supplémentaires : preuve de leur existence et sanctions liées à leur non paiement sont les principaux points évoqués. Synthèse de ces décisions.

Les litiges portant sur les heures supplémentaires concernent principalement la charge de la preuve et la valeur des éléments de preuve produits par le salarié pour obtenir le paiement de ces heures. Le travail dissimulé pour dissimulation d’heures supplémentaires ou la prise d’acte de la rupture pour non paiement de ces heures font également l’objet d’un contentieux important. Preuve en est les décisions rendues ces trois derniers mois par la Cour de cassation, figurant dans le tableau ci-après.

Contenu des décisions

Précisions

Partage de la preuve

La charge de la preuve des heures supplémentaires ne doit pas reposer sur le seul salarié. Ainsi, les juges du fond ne peuvent pas débouter le salarié de sa demande de paiement d’heures supplémentaires en retenant que le décompte mensuel évoqué par le salarié correspondait à une simple estimation du temps passé à sa tâche, que ce dernier n’avait jamais formé de réclamation sur les heures supplémentaires qu’il prétendait avoir effectuées et qu’il bénéficiait d’une très large autonomie dans l’organisation de son temps de travail. Ils ne pouvaient en déduire que les décomptes produits ne permettaient pas à l’employeur de répondre de façon efficace et circonstanciée à ses revendications (arrêt du 30 janvier 2019).

Cette solution s’inscrit dans la droite ligne d’une jurisprudence ancienne et constante (arrêt du 3 juillet 1996qui s’appuie sur une interprétation stricte de l’article L.3171-4 du code du travail selon lequel : « la preuve des heures supplémentaires n’incombe spécialement à aucune des parties. En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles ».

Éléments de preuve admis

La demande de paiement des heures supplémentaires n’est pas assez étayée et doit être rejetée lorsque :

  • le salarié, directeur d’une société, fournit ses agendas, un récapitulatif des remboursements de taxi établi par lui, soit à des heures matinales soit à des heures tardives, un décompte des heures de travail réalisées établi par jour et par semaine sur toute la durée contractuelle et de très nombreux courriers électroniques, échangés pour l’essentiel à des heures tardives, matinales ou pendant la pause méridienne, alors qu’il ne précise pas les décomptes sur les pauses pour le déjeuner ou le dîner, et qu’en tant que directeur au statut de cadre autonome, il disposait d’une large latitude et indépendance pour organiser son emploi du temps (arrêt du 5 décembre 2018) ;

  • le salarié produit un tableau récapitulatif de ses heures supplémentaires pour les seuls besoins de la cause n’émanant pas de sa main, alors qu’il n’a jamais élevé la moindre protestation et qu’il résulte des bulletins de paie que des heures supplémentaires lui avaient été rémunérées (arrêt du 13 février 2019).

En revanche, étaye sa demande de paiement d’heures supplémentaires, le salarié qui fournit son agenda et son planning, éléments propres à justifier les horaires réalisés et qui mettent l’employeur en mesure de répondre. Il importe peu que l’employeur soutienne que ces éléments comprennent des erreurs et des incohérences (arrêt du 23 janvier 2019).

Dans le même sens, une cour d’appel a rejeté à raison la demande de paiement d’heures supplémentaires du salarié, qui ne produisait pas de décompte détaillé des heures effectuées alors qu’il était libre de ses horaires et qu’il réalisait lui-même son planning, de sorte que l’employeur n’était pas en mesure d’apporter des éléments contraires (arrêt du 23 novembre 2017).

 

 

 

 

 

 

 

 

Il en va différemment si le tableau retrace sur une période de deux ans, le nombre d’heures supplémentaires effectuées quotidiennement. Cela peut suffire à étayer une demande de paiement d’heures supplémentaires (arrêt du 16 mars 2001).

 

 

Dans le même sens, la simple production d’un relevé manuscrit des heures de travail effectuées peut également suffire à étayer une demande de paiement d’heures supplémentaires (arrêt du 24 novembre 2010).

Repos compensateur

La compensation obligatoire en repos spécifique au transport routier, prévu à l’article R 3312-48 du code des transports, ne peut se cumuler avec la contrepartie obligatoire en repos applicable à tous les salariés pour les heures supplémentaires hors contingent, prévu dans le code du travail.

Les repos compensateurs obligatoires propres au transport routier ont seuls vocation à s’appliquer (arrêt du 6 février 2019).

L’utilisation du terme « compensation obligatoire en repos »  dans le code des transports, alors que le code du travail se réfère à la notion de « contrepartie obligatoire sous forme de repos »» est dépourvue d’incidence, dès lors que cette différence ne revêt qu’une portée formelle (arrêt du CE du 28 novembre 2018). Le cumul des deux repos n’a donc pas de fondement juridique.

Travail dissimulé

Le versement de primes exceptionnelles de montants variables apparaissant sur plusieurs bulletins de salaires, n’est pas suffisant pour considérer que ces primes correspondent à la rémunération déguisée d’heures supplémentaires, lesquelles étaient mentionnées de façon distincte sur les bulletins de salaires et rémunérées comme telles (arrêt du 30 janvier 2019).

Pour établir le travail dissimulé, l’intention de dissimulation de l’employeur doit être caractérisée. Par exemple, la seule indication sur le bulletin de paie d’un nombre d’heures de travail inférieur à celles réellement accomplies (arrêt du 17 septembre 2015) ou la seule application d’un taux de majoration erronée (arrêt du 1er février 2017) ne suffisent pas à caractériser l’intention de dissimulation.

Prise d’acte de la rupture

Une cour d’appel ne peut dans le même temps ordonner une expertise sur l’accomplissement d’heures supplémentaires non payées, et analyser la démission du salarié en une prise d’acte produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison de manquements de l’employeur sur ces mêmes heures (arrêt du 9 janvier 2019).

Toutefois, lorsque la situation présente un caractère ancien, le non-paiement de toutes les heures supplémentaires ne constitue pas un manquement suffisamment grave de nature à justifier la prise d’acte de la rupture du contrat de travail. En l’espèce, le salarié avait attendu plusieurs années avant de demander une régularisation salariale (arrêt du 14 novembre 2018).

Source – Actuel Expert-Comptable