Une fraude réalisée en vue d’obtenir des remboursements de santé indus auprès de l’organisme complémentaire de santé, à la fois prestataire et client de l’employeur, se rattache à la vie de l’entreprise. Elle peut justifier un licenciement pour faute grave, quand bien même le salarié aurait agi en tant qu’assuré et en dehors de son temps de travail.

En principe, un fait ne peut constituer une faute s’il relève de la vie personnelle du salarié (Cass. soc., 16 déc. 1997). Cependant les circonstances dans lesquelles les faits ont été commis – en dehors des horaires de travail et du lieu de travail –  ne suffisent pas toujours à écarter tout lien avec la vie professionnelle. La jurisprudence admet en effet, qu’un motif tiré de la vie personnelle du salarié puisse justifier une sanction disciplinaire s’il constitue un manquement à une obligation découlant de son contrat de travail, ou s’il se rattache à la vie professionnelle. La Cour de cassation nous en livre une nouvelle illustration.

Faits de la vie privée

Deux salariés ont falsifié des factures personnelles pour tenter d’obtenir des remboursements de frais de santé indus pour un montant de 7 150 euros, auprès de l’organisme d’assurance complémentaire de santé de l’employeur, par ailleurs principal client de la société. Les salariés ont ainsi présenté pour remboursement des factures d’honoraires et de soins d’un praticien du réseau de leur employeur, à leur nom, sans avoir bénéficié de ces soins. Ces faits sont survenus hors du temps de travail alors que les salariés agissaient en qualité d’assurés auprès de cet organisme et non dans le cadre de leurs fonctions. L’employeur, dont l’activité est d’offrir aux organismes d’assurance complémentaire de santé, des prestations de service destinées à diminuer le reste à charge de leurs assurés, prononce alors le licenciement pour faute grave des salariés concernés, respectivement conseiller santé et superviseur. A l’appui de sa décision, il relève le caractère préjudiciable de ces actions pour la société, la mise en péril de sa probité ainsi qu’une atteinte à son image et à sa réputation.

Les deux salariés contestent le licenciement devant les tribunaux. Les faits ayant été commis dans un cadre privé et étranger à l’entreprise, ils ne sauraient, argumentent-ils, justifier une sanction disciplinaire.  

… Mais rattachés à la vie de l’entreprise

Une analyse qui n’aura convaincu ni la cour d’appel ni la Cour de cassation. Tout d’abord, les faits reprochés ont été commis au détriment, d’une part, de l’assureur complémentaire de santé de l’employeur, qui constitue également l’un de ses principaux clients et d’autre part, de l’un des praticiens de son réseau professionnel.
Ensuite, les falsifications ont été établies à partir de factures similaires à celles que chacun des salariés manipulait dans l’exercice de ses fonctions et manifestement grâce à la connaissance de ces documents acquise dans ce cadre.

Ces deux éléments réunis permettent, selon la Haute juridiction, de rattacher ces faits à la vie de l’entreprise et ouvre donc la possibilité pour l’employeur d’user de son pouvoir disciplinaire. Elle considère enfin que compte tenu des fonctions assumées par les salariés (conseiller santé et superviseur auprès des organismes complémentaires de santé), ces actes constituent un manquement manifeste à l’obligation de loyauté et qu’ils sont dès lors de nature à justifier un licenciement pour faute grave.

Cas similaires

Une solution cohérente avec la ligne jurisprudentielle sur le sujet puisqu’il a déjà été admis la possibilité pour l’employeur de sanctionner des faits de fraude commis hors du temps de travail dans certains cas. Citons l’exemple d’une salariée de la CAF dont la faute grave avait été retenue pour des faits commis en tant qu’allocataire afin d’obtenir des prestations sociales indues, alors que ses fonctions étaient précisément de poursuivre ce type de faits, ce qui la soumettait à une obligation particulière de loyauté et de probité (Cass., soc., 25 févr. 2003).
Par ailleurs, des faits commis en dehors du temps de travail au détriment d’un client, ont pu être considérés comme se rattachant à la vie professionnelle. La faute grave avait ainsi été retenue dans le cas, par exemple, d’un salarié qui venait de quitter son poste, encore revêtu de sa tenue de travail et qui s’était emparé du téléphone oublié par une cliente au guichet billetterie du magasin. Avait été estimé que ce comportement affectait l’obligation de l’employeur d’assurer la sécurité des clients et de leurs biens (Cass. soc., 26 juin 2013).

Source – Actuel Expert-Comptable